Thaïlande: les putschistes s'autorisent à promulguer les lois, Thaksin jette l'éponge.
BANGKOK (AFP) - Les auteurs du coup d'Etat de mardi en Thaïlande disposent désormais du pouvoir de promulguer les lois en l'absence du Parlement suspendu, selon une déclaration officielle lue jeudi soir à la télévision, tandis que l'ancien Premier ministre Thaksin Shinawatra a indiqué depuis Londres qu'il jettait l'éponge.
"Dans l'intérêt du pays, étant donné qu'il n'a plus d'assemblée ni de Sénat, les lois requérant une adoption par l'assemblée et le Sénat seront promulguées (par l'exécutif militaire intérimaire)", a indiqué le texte.
Les auteurs du coup d'Etat avaient également plus tôt interdit aux partis politiques d'organiser des réunions ou de mener toute autre activité.
"En vue de maintenir la loi et l'ordre, les réunions de partis politiques et l'organisation d'autres activités politiques sont interdites", avait indiqué le même présentateur parlant à la télévision, 48 heures après le coup d'Etat militaire qui a renversé le Premier ministre Thaksin Shinawatra.
Quelques heures auparavant, les responsables des médias nationaux avaient été convoqués au quartier-général de l'armée pour se voir ordonner d'arrêter de rapporter des opinions personnelles du public.
La dernière annonce s'inscrit donc dans la logique d'un renforcement de l'emprise sur la Thaïlande du général Sonthi Boonyaratglin , qui a mené le coup d'Etat.
La reprise en main s'est également manifestée dans la convocation jeudi de deux ministres proches de M. Thaksin, au lendemain de l'arrestation d'un vice-Premier ministre.
Le général Sonthi a déclaré bénéficier de l'assentiment du vieux roi vénéré roi pour conduire l'exécutif intérimaire. Tout en suspendant les institutions de la monarchie constitutionnelle, il s'est engagé à rendre rapidement le pouvoir aux civils.
De son côté, le Premier ministre déchu, Thaksin Shinawatra a pris acte jeudi de sa déposition et demandé des élections, tout en indiquant depuis Londres qu'il allait s'éloigner de la politique.
"Nous espérons que le nouveau régime organisera rapidement des élections législatives et maintiendra les principes de la démocratie, pour l'avenir de tous les Thaïlandais", a-t-il dit, selon un texte signé du "secrétariat du Dr. Thaksin" et transmis aux journalistes cherchant à apercevoir le dirigeant devant l'hôtel Dorchester, un palace du centre de Londres.
"Le Dr. Thaksin va prendre pour l'instant un repos mérité", lit-on plus loin. "Il va envisager de travailler dans la recherche et le développement et de possibles oeuvres caritatives en Thaïlande".
M. Thaksin a encore déclaré par écrit que "les événements en Thaïlande ces deux derniers jours ne [le] détournent pas de (son) objectif principal de réconciliation nationale".
Il "demande instamment à tous les partis de trouver les voies de la réconciliation et de travailler à la réconciliation nationale, pour le bien du roi et du pays".
Thaksin Shinawatra, 57 ans, est ensuite sorti d'un immeuble d'habitation au 55, Park Lane, juste à côté du Dorchester. Il a indiqué en souriant qu'il allait prendre des vacances.
"Maintenant je vais acheter des produits alimentaires thaïs", a-t-il ajouté avant de monter dans une voiture.
M. Thaksin était arrivé mercredi soir à Londres en "visite privée", directement depuis New York où il se trouvait pour l'assemblée générale de l'ONU quand il a appris le putsch.
C'est la première fois qu'il reconnaît sa déposition. Il avait fait savoir depuis New York, dans les minutes suivant l'annonce du coup d'Etat, qu'il gardait son "calme" et se considérait encore comme le chef du gouvernement thaïlandais.
"Il pense qu'il est le Premier ministre élu et il voudrait préserver la Constitution du pays", avait alors assuré un diplomate thaïlandais.
Un expert interrogé jeudi par l'AFP a estimé que M. Thaksin n'avait pas d'avenir à court terme dans la politique.
"Je pense qu'il va faire profil bas pendant un certain temps, et continuera ses activités d'homme d'affaires multi-millionnaire", a expliqué à l'AFP Tim Forsyth, de la London School of Economics (LSE).
"Dans un an ou deux, il pourra peut-être essayer de retourner en Thaïlande. Et envisager à terme un retour à la politique", a-t-il ajouté.
Le Premier ministre renversé possède un logement à South Kensington, un quartier chic de l'ouest de la capitale britannique, et sa fille Pintongta s'était inscrite à la LSE en octobre 2005.
Le gouvernement britannique a souligné qu'aucune rencontre n'était prévue entre M. Thaksin et des ministres britanniques.
A Bangkok, les militaires au pouvoir ont fait savoir qu'ils ne s'opposeraient pas au retour dans son pays de M. Thaksin. Ils ont précisé qu'il risque d'y être poursuivi, notamment pour corruption.